Interview de 96

André MINVIELLE

Je suis très content de te réentendre. C'est ton aventure avec la poussette machine qui te ramène au micro ?

A la micro-mécanique, tu veux dire...Car je suis un micro-mécanicien de formation, de vocation. Le premier métier que je voulais faire, c'était horloger. L'infiniment petit m'intéréssait. C'est quelque chose qui en même temps serait de l'ordre de l'implacable, de l'insaisissable, de l'indicible. Comme ce qui se voit mais ne se voit pas. Je cherche ce qui ne se voit pas.

 

A l'intérieur de cette mécanique qu'est la compagnie Lubat, où es ton rouage?

Pour moi, la compagnie Lubat, c'est quelque chose que j'ai senti sans le savoir. J'ai d'abord vu des concerts à Paris, j'ai vu "Bonheur", ça m'a pété à la gueule. Je ne voulais pas être musicien puisque j'étais micro-mécanicien. Musicien, c'était une des fonctions du micro-mécanicien. Y'en a d'autres : le theâtre de la micro-mécanique, la micro-mécanique du theâtre, les mots... J'ai aussi rencontré les vieux du coin, Alban Lubat, une mémoire vivace, et des vieux qui rejouaient ce qu'ils avaient abandonné pour montrer ce qu'ils avaient pu faire mais qu'ils renouvellaient. Un theâtre du traditionnel mais en mouvement. C'est comme ça que j'ai compris plus facilement la compagnie Lubat . C'est aussi une mémoire comme un type qui est métayer et qui un jour s'achète un lieu et se dit : " après être passé sur la piste de quelqu'un, je vais me mettre sur la piste de quelque chose", et il fait des réunions syndicales où il explique ce qu'il a fait dans ce lieu, il s'émancipe politiquement par rapport à la culture.

La compagnie Lubat, c'est ce que je voulais faire. Ca ne me satisfaisait plus de seulement chanter, ni de jouer dans les bals. Les bals n'étaient déjà plus cette agora d'autrefois , où toutes les générations se rencontraient. Il y avait les boîtes de nuit, les cloisonnements déja enclenchés; je ne me sentais plus dans le theâtre de la vie. Ce theâtre, je l'ai senti en voyant la compagnie et je me suis inscrit dans un mouvement parce que je savais qu'avec ce theâtre là, on pouvait se trimballer n'importe où et montrer qu'on parlait de quelque part... 

Je me suis souvent demandé ce qu'était la musique. Pour moi sa seule fonction, c'est qu'elle m'emporte quelque part. S'il n'y a pas cette fonction, si ce n'est qu'un travail de compositionnel, c'est de l'ordre de l'écrit.

Nous on travaille beaucoup de l'oral et on inscrit quelque chose plutot que de l'écrire. Mes classiques d'écrit, c'est pascomme autrefois: y'avait Mozart,Bach,Stravinsky. Les Beatles, je suis passé à côté, je m'en fous des Beatles, je reconnais la mélodie, tout ça, mais çane m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse c'est les musiciens, la musique contemporaine, les compositeurs actuels : Righetti (?),Luciano Verio (?), parce que là-dedans, il y a une poésie, toute une matière qui se rapproche du corps, qui est plus intellectuelle. Dans la musique contemporaine, il n'y a pas que de l'interêt. Il y a des gens qui se posent la question de la matière et qui le font entendre. Et j'entends qu'il y a du corps. 

 

Ta rencontre avec Perrone ?

J'ai commencé par l'accordéon, j'ai très vite laissé tomber pour x raisons; mais quand j'ai écouté Marc, ça rejoignait l'idée que j'avais de l'accordéon et quand je pense que j'ai laissé tomber l'accordéon et que j'ai continué à chanter... Je crois que c'est Alban Lubat qui a trouvé cette expression; il m'a dit très fièrement : "Toi tu es un chanteur duatonique". Une autre fois il m'a dit que j'étais un arpenteur. J Et finalement je me dit que c'est un peu vrai, que je suis arpenteur, que je mesure l'étendue des dégâts puis après je nettoie. J'ai envie de mesurer tout ce truc, car c'est là-dedans que je me sens le plus particulier. Mon point de vue, mon rapport au monde est là-dedans. Pour l'instant, ça m'est difficile d'en parler parce que je suis un peu comme le marcheur de Giacometti. Ce type là qui repère rien. Tu le vois , tu te dis que si ce type là il s'arrête , il tombe. Il est fixe avec l'idée du mouvement. Il ne bouge pas et pourtant il avance, il avance, il avance. Je sens ça chez Perrone. Si j'ai une complicité avec lui, c'est parce que j'avais un rapport avec la maîtrise qui n'était pas conclu , qui n'est toujours pas conclu; et je pense, qu'il ne sera jamais conclu. Comme Giacometti, si je continue de sculpter, c'est parce que je ne sais pas ce que c'est. Je sais à quoi ça peut servir, mais je ne sais pas ce que c'est. Je cherche, je cherche. 

 

En fait, tu as le handicap du jazz...

J'ai plutôt le handicap du jazzman. Les premiers jazzmen qui m'ont parus jazzmen, c'est Bernard, parce qu'avec lui, on pouvait parler football, rugby, cinéma, littérature, cuisine, la forêt... Avec un musicien de Jazz, c'est dur, on peut pas parler sport collectif; c'est tous des pédés, enfin, bon... Ils ne savent pas imaginer, ils ne savent pas se perdre. 

On a inventé une façon de parler sans savoir, et c'est comme ça qu'on a fait nos premières armes.

J'aimerais avoir ta vision de l'évolution actuelle du rugby?

J'ai toujours aimé la vieille phrase du rugby qui dit : "Si tu plaques pas sur un terrain, tu sors". Le rugby, ça commence par savoir défendre. Plaquer, c'est un acte d'amour. Il faut se baisser, et le bouchon, la rencontre, le contact, Bam! C'est quelque chose qu'il faut savoir appréhender. Si tu ne sais pas faire ça, tu ne sais pas donner un ballon à mon avis. Je pense qu'il y a des gens qui ont su jouer au ballon sans trop savoir plaquer.

Ces gens-là, ils évitaient de plaquer, parce qu'ils étaient espacés et qu'ils jouaient dans les intervalles. En général, quand tu joues dans les intervalles, tu combines avec le vide. Alors ceux qui plaquent, ils aiment bien, le plein contact.

Je pense qu'avec la compagnie, on fait une musique de rugby, notre jeu est fait de confrontations directes avec ce qu'on apellerait rythmique. C'est pas coulé comme le football, c'est pas des passes qu'on se fait, c'est plutôt du jeu de contact entre nous, contre nous, avec le public ; il ya contact direct. C'est pas comme le football. On fait des choses avec les voix. La polyrythmie, par exemple, c'est un peu comme une mêlée ouverte qui est debout et qui avance. On a vu des actions comme ça où les mecs , ils font progresser la balle. On voit pas la balle, y'a quelque chose qui avance, et d'un seul coup ça ouvre. Je pense qu'il y a des façons dont on se comporte sur scène lorsque l'on joue notre musique qui rappelle ces phases de jeu où l'on cache le ballon; où l'auditeur ne sait plus qui fait quoi exactement mais il entend quelque chose qui fait collectif. 

Ca commence à deux le collectif. On se démèrde à deux à cacherl e ballon, comme si on était un pack. C'est une notion qu'on a peu ici, parce que le rythme fait partie de notre culture.Nous,on l'a nié ce rythme par cette fonction qui se rattache à la langue, à l'onomatopée, à une fomre de résistance à l'onomatopée facile. Ce serait plutôt de l'onomatopée charnelle avec de la viande. Si tu veux pas de la viande dans ton onomatopée, c'est pas la peine de la faire. Il faut faire quelque chose qui vienne du cri mais qui en même temps soit chargée avec un bout de langue.

 

C'est le cri de guerre des All-Blacks par exemple ?

Ca pourrait être ça, sauf que nous, ça serait entre les All-Blacks, les pygmées et les chants basques en troisième mi-temps avec le côté lyrique du mouvement alors que les All-Blacks c'est guerrier. 

 

Je voudrais qu'on aborde la façon dont tu as arrêté l'école, dont tu as explosé la polyrythmique. Quelle était votre démarche et pourquoi ? 

J'avais monté la polyrythmique comme un labo, pour la bonne et simple raison que je n'ai pas une assez bonne maîtrise générale pour monter autre chose qu'un laboratoire. Ce qui m'intéréssait, c'était de chercher, de sortir les idées que j'avais et de les mettre sur la table avec d'autres. Il se trouve que l'originalité du projet s'est fait à Uzeste, pas autre part, que si je n'en étais pas le maître, j'en étais un des fils conducteur sparce que je m'investissais dans l'oeuvre en général. La polyrythmique, c'était des gens qui avaient une pratique de la musique qui se faisait avec le conservatoire, le centre d'art polyphonique; les autres avaient un métier, que ce soit infirmière ou conseiller d'orientation. Si moi j'étais directeur d'orientation , je le ferais dans un lieu qui bouleverse les lois de l'orientation. Un peu comme Uzeste où la hiérarchie bouleverse les chaînons; le mouvement se crée par la conscience de là où tu te trouves. Evidemment, je possédais cette conscience, supérieure à eux, étant donné que j'avais vécu du moment antécédent. C'est un peu comme la forêt : les gens croient que c'est une chose ouverte, or la forêt est une grande institution avec les bêtes, les enjeux politiques et sociaux. Le polyrythmique c'est ça: un laboratoire au sein de la compagnie Lubat. Seulement le problème , c'est qu'il y a confusion entre le travail qu'on a fait et le produit que cela devient. On veut maintenir ce produit de quatres années de travail, chaque lundi, journée arrêtée pour avoir une rigueur-C'était le seul moyen puisque chacun avait son métier : comptable, dispensant des cours, infirmière où moi artiste-; au bout d'un certain moment, soit, c'était l'exploitation du quotidien de chacun, soit c'était une explosion puisqu'on ne pouvait pas continuer une aventure de laboratoire sans indications quotidiennes, politiques, philosophiques. Les personnes n'étaient pas prêtes à faire cet investissement. Donc à un moment, ça s'est arrêté. J'ai dit : soit, on se voit un peu plus que le lundi dans la semaine pour travailler,pour exposer ou exploser les structures qu'on avait monté, les cadres, les chansons et non pas que répéter inlassablement les mêmes choses qui font que l'on devient quelque chose qu'on avait pas prévu . 

Dans ce cadre c'était intéréssant car c'était de l'ordre de la recherche. Quand c'est de l'ordre du produit, ca finit par se scléroser, et les gens finissent toujours pas se diriger vers les même réflexes, à prendre un espèce de seconde peau qui est morte, un peu comme quand t'as pris un coup de soleil. 

J'ai besoin d'avoir un rapport avec l'artistique, si ça devient trop culturel ou folklorique, ce n'est plus ma vocation, Je le passe à quelqu'un d'autre. Ce que je veux , c'est chercher, continuer à chercher; ce qui demande beaucoup de temps et d'investissement. 

 

Le disque vient de sortir. Il contient tous vos travaux qui vont certainement amener vers d'autres choses. Jusqu'où allez-vous aller ?

C'est ce qu'on va découvrir. Parce que finalement,avec le disque, on s'est aperçu comme d'habitude,qu'on était en retard sur certains nombre de choses, en particulier le fait de communiquer au monde extérieur, ce que l'on est et que l'on devient. Ce qui est difficile avec la compagnie Lubat, puisque qu'on y fait autant de la musique de recherche, que de la musique qui se commet dans des lieux signifiants. Par exemple : le bal de la Panope (?) avec les gens du village, la musique traditionnelle avec les papys, le theâtre qu'on invente sur place; tout ça , ça fait partie de ce qu'on devient. Et on ne peut pas le mettre dans un disque.

Le disque, c'était une façon de mettre en mouvement ce qui nous fixe à Uzeste. En même temps qu'on montre un monde ouvert, on montre un endroit d'où on s'érige , donc forcément un endroit fermé. C'est pour ça que le poète dit : "L'universel, c'est le local moins les murs". Je sens à Uzeste ce que veut dire ce poète : si tu ne fais pas toi-même tes murs, si tu creuses pas, si tu ne vas pas chercher dans ton trou, ton rapport au monde, tu n'as pas de point de repère . J'estime que ce disque est un point de repère sur lequel on va pouvoir agir, penser, se commettre à dire des choses. Comme autrefois, on avait pas de documents sonores, on ne pouvait pas nous poser des questions sur quelque chose qu'on a choisi, non pas seulement de mettre mais et aussi de les laisser. Parfois, il est apparu des choses sur le disque, qui n'était pas ce que l'on voulait mettre mais on se dit à l'écoute : "Ce n'était pas ce qu'on cherchait, mais on va le laisser". Donc, on joue aussi avec les contradictions qui vont faire notre notre futur. On révèle des problèmes qui étaient latents, mais qui sont pour nous du domaine de l'existence future et pas uniquement des problèmes à évacuer. On voulait pas faire une musique finie mais une musique brute qui exprime, comme le dit l'article de Jazz'mag, le duo Max Roach-Jim Morrisson, les problèmes de l'époque... La femme du prix nobel de jazz, dit : "Mes enfants m'ont ruinés ma collection de jazz; ils ont fait du vivant,ils ont mis de l'air dedans". Moi je pense que dans ce disque de la compagnie, y'a de l'air. La musique est remise dans l'air, elle n'est pas pure. Y'a un espèce de bruit de fond qui n'est pas innocent, qui est là pour signifier , l'indicible, ce qu'on arrive pas a exprimer par des mots; une sitiuation politique qui s'exprimerait par autre chose que par une prestation extérieure de bonne volonté, un peu comme les journalistes qui souvent, quand ils voient la compagnie Lubat, parlent de Bernard Lubat parce qu'il est à l'initiative d'Uzeste. Mais ils oublient qu'Armand Lubat a commencé bien avant lui et a transmis à son fils ce qui en fait un digne héritier de cette tradition et que moi , je suis à la compagnie Lubat par implication politique, artistique, nageant dans des eaux troubles que je n'imaginais pas jusqu'àlors.

 

Quel est l'apport de Manciet (?) et de Castans dans ton histoire ?

J'ai un putain de destin dans les gênes; ce n'est pas un don, c'est une espèce de lucidité naïve qui fait qu'il me semble toujours avoir été très performant pour être dans la merde et donc pour être dans des endroits où tout se transformait, et quelque part je travaillais à cette transformation sur moi-même et les gens autour, car il me semblait fondamental que cette transformation s'opère et qu'on fixe au passage comme une image d'Epinal. Uzeste était vraiment le lieu où je pouvais étudier. 

En dehors d'Uzeste, je ne sais pas si j'aurais compris Manciet parce qu'Alban m'a expliqué comment s'était transportée la culture dans les campagnes , dans le milieu rural; les fractures avec le modernismes, l'arrivée de la bagnole, des moyens de transports, la fuite en avant ... Et ces poètes, m'ont fait atteindre la fuite en avant dans les mots : qu'on pouvait supporter de ne pas comprendre à condition qui'll reste une condition dedans, inhumaine mais rapprochant de l'humain. Quand j'entendais Manciet parler, je ne comprenais rien à ses mots, mais j'entendais quelque chose de fondamental. Je l'entendais parce qu'il était incarné, mais je ne peux pas analyser ce qui fait que j'ai entendu ça. Ce qui me fait penser que j'ai entendu ça , c'est d'avoir subi un processus dans la rue : j'ai joué avec les papys, avec Alban Lubat, Roger Cazeron (?), j'ai appris des chansons...A chaque fois c'était un theâtre. Ce qui m'importait c'était ce théâtre où je ne savais pas parler la langue;- je suis immigré de ce côté là, parce que ma langue maternelle , c'est le gascon, mais je ne le parle plus, je le chante et j'essaie de le réapprendre à parler au chant- .Alors quand j'entends parler Manciet, que j'entends Castans parler de l'occitanie comme une valeur universelle; c'est ce que j'avais entendu par Jean Gilberto dans mon béarn natal , en me disant : "mais c'est fabuleux, la langue brésilienne", et après j'entends, Claude sicre qui chante : " ?" et j'entends de l'univers à deux pas de chez moi. Ca me permet d'avoir des préoccupations et des implications politiques. Manciet et Castans, m'ont renforcé l'idée qu'il fallait que je perde mon temps, que je trouve un espace dans lequel je ne sois pas trop sur, que je sache vivre avec le doute, mais qu'en même temps, j'en tire une analyse qui permet d'ouvrir les choses au débat, à la vie...

 

Tu es inséparable de la compagnie Lubat,tu joues avec Marc Perrone . Mais est ce qu'on en droit d'attendre quelque chose que toi, Dédé Minvielle, tu amènes sous ton nom ?

Forcément. Perrone est arrivé par le monde d l'improvisation et par le monde de la danse. Mais pas la danse du bal, mais de celui de son folklore propre que je trouve fondamental. J'ai commencé la musique par l'accordéon mais je n'ai pas trouvé les conditions pour m'épanouir sur l'instrument accordéon. J'avais le côté apprentissage, mais pas le jeu. La meilleure façon d'apprendre, c'est de jouer.C'est ce que je fais à la compagnie , je joue et j'apprend à quoi je dois jouer, c'est politique ça aussi.Et, en plus , je ne le fais tout seul, c'est pour ça que c'est politique. Si je jouais tout seul, je pourrais me conforter dans des idées alors qu'àUzeste, les autres s'empressent de me le démontrer.

Sicre c'est pas un musicien , il est autonome; c'est pour ça qu'il est contradictoire. Et Perronre, pour moi, c'est quelqu'un comme ça qui arrive avec un discours, un rapport au monde. J'ai toujours pesné qu'il fallait avoir un rapport critique à l'autonomie et le travailler. Mon jeu avec Marc, c'est celui-là. Quand je l'ai entendu jouer de l'accordéon, je me suis dit : "Putain, si j'avais eu un prof comme ça, j'aurais joué de l'accordéon". Et puis en même temps, c'était l'idée de pouvoir chanter, de jouer de l'accordéon dessous, de tenir les ragasses (?), comme on voit faire les musiciens traditionnels. Ce qui m'intéresse, c'est d'être autonome et d'amener quelque chose de mon autonomie au groupe. Ce qui donne une musique contradictoire, pleine de failles, qui est autochtone mais aussi un creuset où l'on réfléchit sur l'autarcie, sur le côté autochtone des choses. 

C'est ce que j'ai élaboré avec Perrone, c'est un discours où quand on est tous les deux, on s'embarque dans une tragédie. J'aime les clowns, j'avais imaginé une fois être le Bourvil du jazz ou un personnage comme ça qui traverse une tragédie. Regarde le sketch sur l'eau ferrugineuse; je trouve ça aussi grand que Coltrane ! C'est pas du même ordre, mais on pourrait dire que c'est de la même maladie qui montre des cassures qui m'intéressent. On pourrait associer Charlie Parker et Bourvil où Raimu avec des gens plus austères. 

Marc, c'est un musicien qui ne s'arrête pas sur la musique,il est interessé par tout ce qui se passe autour : les voyages, la littérature, les gens entre eux... Quand c'est avec lui, le rapport que tu as avec la musique devient aussi un rapport avec la conversation. S'il n'y a pas ce rapport là, c'est difficile pour moi de faire de la musique avec les gens. 

Il faut auaparvant qu'il y ait un rapport de convivialité, dans le sens politique du terme, c'est à dire un échange de repères avec s'il le faut, lutte, mais quelque part c'est ça que je trouve avec Marc. Il y a donc plein de choses à faire en commun. J'ai idée de faire dans les idées à venir des expériences avec plein d'autres gens, par exemple Prigean (?), c'est un mec qui a une conception du chant complètement hallucinée et quand j'écoute fondamentalement ce qu'il fait, je me dis que ce mec à un univers à lui et je trouve qu'il serait intéréssant de confronter nos univers.

Il ne peut pas être swing, il ne peut pas être blues, il est tout ça à la fois, un peu comme Marc; il a la capacité de t'accueillir "chez lui", ça c'est rare chez les musiciens. Marc, il t'accueille dans sa "cuisine", mais faut quand même que t'essaie de faire la cuisine avec lui. Moi j'ai envie de faire et d'échanger la cuisine avec d'autres gens. Et quand je dis cuisine, c'est tout ce qu'on peut manger, c'est à dire notre rapport au quotidien, au travail, pas simplement le plaisir. Avec Baignats (?), je tenterais bien une sortie, un duo.

 

A partir du moment où il y un folklore, tu peux calquer le tien dessus... 

C'est un peu l'idée que j'ai de la pédgogie: il faut trouver des lieux de confontation. Jusque là, les gens venaient me trouver en me disant : " voilà, j'aimerai chanter". Je leur réponds que je ne vais pas leur apprendre à chanter, mais monter un atelier pour que l'on aborde les problèmes de la voix, parler, faire du rythme et avoir une autonomie. Travailler avec un violoniste, ça me permet d'une part de travailler l'autonomie de chacun. On essaie de construire ensemble une matière qui trimballe une idée de l'harmonie, de savoir si on va faire joli,ce qu'on va dire, s'il faut prendre un texte.

 

Il faut utiliser les textes, il faut bien que les chanteurs chantent quelque chose...

Je conçois le duo comme quelque chose de l'ordre de la joute, un peu comme si je disais : je suis contre comme quelque chose, je m'en occupe, je ne peux pas simplement dire" je suis contre"...Qui s'y frotte civique. Donc j'étudie par un système de relations, qui sont les chemins d'une intelligibilité, de façon à pouvoir opérer sur scène , d'être libre et de fabriquer un mouvement. Ce qui suppose de jeter pas mal de paramètres et de repères , comme une chanson avec couplets-refrain; quelque chose qui serait un comportement sur scène , qui rejoindrait l'écriture automatique,mais avec quand même un travail en amont d'échange, un peu comme le duo Portal-Lubat bâti sur vingt ans de relations épisodiques. Ce qui veut dire qu'on ne se voit pas toujours, mais qu'on se rejoint à des moments, ce qui fait qu'on voit, qu'on est capable d'analyser le chemin parcouru, de voir si c'est nul . Ca rejoint aussi le travail de la répétition. En temps que meneur de mouvement, on sait les méfaits de la répétition. Du lieu où on travaille, on répète quelque chose qu'il faut faire revivre tous les soirs, je préfère parler de processus de mouvement, qui fait la répétition s'autogère. Les points de repère se déplacent en fonction de ce que l'on a fait auparavant. Dans le cas du polrythmique, chacun a ramené son univers. C'est pour ça que c'était frais. Ceux qui venaient du centre d'art polyphonique ont ramené un goût de Bach, des échantillons de Monterverdi... On mettait ça autour de la table, on les étudiait, et ça a donné un morceau, un peu comme une conversation en direct. Il aurait fallu que ce rapport au monde se singularise, pas que ça se stigmatise. C'est le danger.

Je suis très content que ce soit toi qui m'interviewes. Il vaut mieux que ce soit des gens qui sont là depuis un bout de temps qui parlent de ce qu'on devient, plutôt que des gens qui vont arriver au dernier moment , et qui vont pas savoir ce qui s'est passé. Comme j'ai dit à Bernard, il y a des journalistes qui ne vont pas comprendre ce qu'on fait. Mais j'ai pas envie que les gens comprennent à tout prix, j'ai envie que les gens paient le prix de comprendre. C'est à dire passer du temps à comprendre et pas seulement avoir eu la révélation. Le travail en amont est important. Le jour où j'ai vu le spectacle "Bonheur" à Paris (qui a été le déclenchement, qui m'a donné envie de faire ça) je ne me suis pas arrêté qu'à ça. J'ai voulu savoir ce qui fait que "Bonheur " avait existé dans quelles condictions sociales, politiques. 

Dans les articles de jazz, c'est important de savoir travailler avec des communautés qui savent s'expliquer par elles-mêmes, sans l'arrivée d'un philosophe de Paris qui va expliquer comment ça se passe. Finalement le jazz c'est un mot qui a été inventé, Max Roach parle de musique afro-américaine, mais nous on pourrrait parler de musique gasco-américaine, parce que l'Amérique, c'est pas que les américains, c'est aussi un peuple. Je n'ai pas envie de les mettre tous dans le même sac. La politique américaine, ne me plaît pas parce qu'elle est hégémonique, impérialiste et tout le bordel , mais quand même temps, c'est à nous de pas se laisser faire, d'avoir un rapport d'intelligence. J'ai entendu un américain à la télé qui s'occupe du Disney Channel qui disait qu'il ne faisait du divertissement et qu'il ne comprennait pas l'exception européenne. Le problème est que le divertissement est éthique. Le divertissment, c'est un moyen de détournement. Donc c'est à nous de nous occuper de divertir les gens à un niveau qui les rassemble. Il faut créer quelque chose dans l'air du temps et en même qui fasse acte de connaissance du passé, comme ce qu'on a vu dans le soirée à Aurillac où il y avait Castans qui parle, les Massillia qui font du rap, nous qui faisons notre numéro sous-réaliste. Tout ça, c'est une façon de se découvrir avec un public qui découvre quelque chose de neuf.

 

Au niveau degré, le final du "Cerveau" sur le disque, est quelque chose de gigantesque.

C'est un truc qui a été écrit à l'époque par Bernard qui jour un rôle de grand synthétiseur, qui est parfois en avance sur son temps où qui remarque les problèmes et s'en occupe. Il avait remarqué , qu'il était dommage que Patrick ne parle pas sur scène alors qu'il était loquace dans les coulisses. Il lui a donc écrit "le cerveau" . Patrick est un mec qui a beaucoup de respect pour la musique , mais qui n'est pas musicien, mais il fabrique de la musique. On peut dire qu'il es t musicien artificier. La musique pour lui, c'est comme le feu d'artfice, elle se tire. Il a appris le bémol, les dièses , le truc... Il a appris les métiers de l'art, a porté des caisses et a rencontré des musiciens. Dans le Jazz c'est ça qui m'intéresse, les hommes qui veuelent faire de la musique, leur galères, leurs implications, ce qui a donné un mouvement, c'est pas faire du blues ou savoir la grille parfaitement. C'est pour ça qu'on mélange le free mais aussi le construit. Uzeste,c'est une improvisation personnelle.

 

J'aime beaucoup la spéciale dédicace du livret : "aux stagiaires à passer, au futur à vivre (?)"... 

Bohringer à joué deux ou trois fois avec nous; ça s'est bien passé et au bout de la troisième ou quatrième fois, il a compris qu'on deviendrait pas l'orchestre de la compagnie Bohringer.Ce serait "Borhinger et la compagnie Lubat". Il est très respectueux de la musique, mais quand il joue avec nous il est autre chose, et une fois il a dit : "Ouais, j'ai compris, je suis stagiaire". On s'est quittés comme ça mais ce n'est pas grave. On a discuté avec lui, il s'est passé des choses, on a vu que c'est un acteur de tous les diables mais qui reste entier.

 

Qu'est ce qui va se passer cet hiver ?

On va donner un peu l'accent. On va un peu renter en langues. Je trvaille à avoir le temps d'apprendre à parler. On a eu l'idée de faire une calandrete à Uzeste et j'ai soulevé l'idée de faire une calandrete artistique car j'ai appris que les calandrete ce n'était pas comme je le pensais, des cours de langue, mais toute l'histoire en langue, on apprend la géographie, les mathématiques... J'ai trouvé ça étonnant, je pensais pas que c'était évacué. Mon rêve c'est de faire une école artistique avec des enfants, des vieux, des moins vieux, une école buissonière où par exemple un vieux viendrait expliquer une recette de cuisine dans sa langue qu'on ne comprend pas mais qu'on entend. Et justement cette école donnerait le moyen de travailler cette facture.Rita m'a parlé d'un chanteur brésilien qui chante ses recettes de cuisines. Comme quoi, la cuisine ça a rapport avec l'identité. On va donc essayer que cette école fasse école . 

Les basques viennent aussi cet hiver, donc on va rassembler les forces vives et les confronter dans des relations à long terme qui vont se fonder sur place. Dire de la poésie sur des boîtes à rythmes sans ressortir les grands auteurs, dire Manciet aussi et faire danser les gens en même temps. Faire un liue oùtu puisses confondre la langue avec le language. On essaie, on goûte, on réflechit. 

Et puis,il y aura des échanges entre festivals. J'ai envoyé une lettre à Prigean. Il était venu il y a trois ou quatre ans pour que l'on fasse des échanges entre festivals , et ça s'était terminé par des échanges entre Prigean et Lubat. Je lui ai dit, ainsi qu'à Bernard que c'était un peu cavalier. Ce qui veut dire que l'année prochaine en fonction de cet hiver, on va faire quelque chose entre Uzeste et Acier (?). 


 
CD "CANTO !" CANTO

André Minvielle (chant, porte-voix, batterie maigre,trompette de l'est,percussion, sampleur)Marc Perrone (Accordéon diatonique)

Bernard Lubat (Piano,batterie,synthétiseurs)Richard Hertel (Batterie)Patrick Auzier (Trombonne)

Labeluz 64203 (distribution Harmonia Mundi)
 


Ca y est le voici le voila. Langué à l'oc de gasconha que honha e que conha le CD d'André Minvielle cantaire vocachimiste micromécanicien de la Compagnie Lubat témoigne du travail de recherche entrepris dempei un fond de temps sur le chantier artistique des landes girondingues. Zeste d'Uzeste, geste manifeste, Minvielle tout en demeurant dans l'attraction ovniprésente du swingomaniaque d'oc a su imprimer, sans couper le lien d'appartenance, sa sortie dans les spaces balisés au pluriel. "Canto" se canta et nous voyons le film défiler à rebours sur l'écran de la Mémoire en marche. Linha de mire en vue, l'imaginotiste de Cazalis fait l'inventaire de sa cassette aux trésors. Magic Minvielle tricote en Bop ses conversations Be lingues, "Paradina / ami de mots" restitue la souvenance de son avance polyritmic et Monk là dessus te dira "Omba's" per cerca "La Bourdique". Lo viatge t'emporta, "Ma'tina" a la biguine pour la samba e "Hilhas n'aimetz pas tan los omis" est l'exemple m'aime de la force des folflores pour peu qu'on les épanche. De quoi mettre KO tous les pseudos sauveurs de la chanson française. Coureur de fond dans la forêt landaise Dédé crochète, contre pied de nez, extractise la strophe, all factise, fait valser l'Humanité avec Mimi Pinson et tel Duchanp en contre chant tchache son rap de circonstance. Bien sur sa dralha, porta-votz en bouche, "cap a gaucha cap a dreta" Minvielle en appelle au Paratge e "Esperanza l'Aranesa" ritournelle en carambole le bonheur. "De Gai Atau" on ne s'en lasse plus, vive la fête foraine ! 

Et dire que son professeur de percussion était bègue!

Jacme Gaudàs 

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