Extraordinaire musicien populaire, Xavier Vidal fait
depuis plus de vingt ans, sur le terrain, un travail d'ethno-musicologue,
collectant auprès des anciens tous les trésors sonores et
musicaux contenus dans les musiques de traditions populaires du Quercy.
On ne louera jamais assez la force créative qui sommeille dans les
folklores, un univers de vie insoupçonné... Une matière
première pour les improvisateurs, une mine d'Oc à ciel ouvert.
Rencontre avec un musicien riche de simplicité, c'est tellement
rare !
On pourrait d'abord te situer, voir le travail que tu fais sur le terrain, dans le Lot.
Xavier Vidal : Pour parler de façon générale, ce qui est un peu caractéristique dans l'action qu'on fait, c'est que je me sens plutôt faire partie d'un mouvement un peu collectif, quand je suis seul je suis un peu désemparé. Quand on me demande d'aller quelque part tout seul, si je n'ai pas les autres à côté de moi... j'ai pas trop l'habitude. Ce que je remarque d'ailleurs, dans tout ce mouvement qui s'intéresse aux musiques, à l'Occitanie, qui quelque part des fois même nuit à l'action, c'est qu'il y a un peu trop de gens qui se sentent, comme ça, investis d'un rôle qui ferait d'eux une espèce de vedettariat qui donnerait aux gens l'impression qu'ils joueraient un rôle majeur, alors que si tu regardes le truc avec recul, avec un regard un peu historique, tu vois en fait que tu as plus à faire à un mouvement qu'à des personnalités qui se seraient dégagées.
Justement, si des personnalités se sont dégagées c'est qu'elles ont pris connaissance de ce que traduisait ce mouvement qui restait peut être encore trop dans l'ombre ?
X. V. : Oui, c'est plutôt comme ça qu'il faudrait résonner, il y a des gens qui sont plutôt moteurs, il y a des figures. En définitive, si les gens comprennent qu'ils font partie d'un mouvement collectif, je pense qu'ils auront une autre manière de fonctionner, il y aurait moins de problèmes de rapport de pouvoir, absolument vouloir imposer sa vue des choses alors qu'à côté il y a des gens qui pensent pareil... Alors moi, ça se voit dans mon action, ce que je fais c'est plutôt un travail de fond, associatif.
Oui, mais quand on a vu la Carte Blanche, le travail que tu as amené au dernier Festival d'Assier, on voit bien quand même qu'au-delà de ces associations il y a de la matière...
X. V. : La matière vient d'un gros travail de longue haleine sur le collectage, la recherche. Pour me situer, j'avais travaillé il y a maintenant une vingtaine d'années avec le Conservatoire Occitan, c'est là que j'ai connu Claude Sicre, et on s'était lancé dans un travail de collecte, d'études en quelque sorte historiques, de sociologie, sur les musiciens qu'on avait à côté. Alors évidemment comme ce travail il y avait des tas de gens en France qui le faisait de façon un peu pointu, il y a eu une espèce de considération pour nous par les pouvoirs publics, la Direction de la Musique, un peu les ethno-musicologues qui nous disaient : "Vous-même devenez ethno-musicologues, vous faites un travail aussi important que nous...". On a eu l'impression à un moment donné qu'on le devenait parce qu'on se côtoyait un petit peu avec l'université, mais en définitive, avec le recul, je ne me sent pas tellement de ce monde. Je suis plutôt d'un milieu ouvrier, émigré espagnol, ce que je vivais chez moi et la culture universitaire c'est quand même très éloigné. Aujourd'hui encore je suis invité dans des trucs, des colloques, des machins, je ne sais pas, je n'arrive pas tellement à me situer comme faisant partie de ce monde là. Derrière ils ont toute une culture savante, ils sont capable de parler de Rousseau, moi j'en suis incapable, bon je peux parler d'autres choses...
Bon, cela dit, l'histoire de la culture, avec son entrée savante et son entrée populaire, il se trouve que toi, finalement tu as touché les deux...
X. V. : Oui, mais avec la volonté vraiment d'aller vers une culture savante, autan au niveau musical qu'au niveau intellectuel, mais avec, quand même quelque part, une difficulté. Je le constate, peut être je le regrette...
Mais imagine que si tu n'avais pas gardé ce lien au terrain, c'est pareil pour Sicre dans une autre mesure, si vous n'aviez pas continué à travailler le contact, vous n'en seriez pas aujourd'hui à faire resurgir et montrer, avec des gens, des musiciens amateurs, comme tu fais dans le Lot... Ils deviennent des savants quand ils sont en restitution...
X. V. : Ah oui, pour moi c'est évident ! Les gens qui sont, entre guillemets, de la culture populaire c'est vraiment des savants, on en a rencontré. Il y a des gens qui m'ont marqué à fond, des musiciens ou autres, je ne fais pas de hiérarchie entre le musiciens. On me dit il y a les grands, les petits, je n'en sais rien, il y a des petits qui m'impressionnent et des grands qui me font chier, donc c'est difficile. Des fois je vois des gens qui prennent un instrument, ils jouent des trucs basiques, si c'est vraiment eux qui jouent, leur personne, s'il n'y a pas de masque, ils m'impressionnent. Je fréquentais un accordéoniste de mon village, Ernest Hugon, il jouait avec un doigt, il ne savait pas qu'on pouvait jouer avec tous les doigts, mais les bourrées il savait les torcher quand même, et il était impressionnant, donc une technique complètement basique mais avec un âme.
A part ça, pour me situer, je suis à la base musicien
de bal, mais si je fais le bilan, il y a quand même des musiciens qui
ont compté. Claude Roméro, avec qui j'ai commencé à
faire le bal, ensuite des compagnons de route comme Renat Jurié,
Jean Pierre Lafitte, Sicre après ça a été autre
chose, lui il avait cette formation universitaire, il nous a mis au contact,
il nous a appris qu'on devait quand même réfléchir par rapport
à ce qu'on faisait...
Vous avez sorti conjointement une thèse "Présent et Avenir de la Musique de Tradition Populaire dans les Pays d'Oc"...
X. V. : C'est venu de la rencontre avec lui, et de tous les anciens, je me souviens d'avoir vécu des moments incroyables. Un musicien qui m'a marqué, c'est Ulysse Salesse, de Garganvilar, dans le Tarn et Garonne. Une fois j'ai fait un bal rien qu'avec lui, à Fronton, un grand moment, musicalement il faisait des trucs extraordinaires. Les grands moments c'est quand tu es confronté à une espèce de communauté, dans un bal, autour de la danse, une espèce de dynamique, de mouvement, ça fait un genre de transe, ça c'est excessivement rare. Il y a vingt ans ça arrivait, quelques fois ça se refait dans des milieux revivalistes mais c'est rare, aujourd'hui les gens sont plus consommateurs...
Aujourd'hui la transe elle est plus du côté de la techno...
X. V. : Oui, du côté d'expressions dites "modernes". C'est sur qu'aujourd'hui dans le public des musiques Trad on a plus à faire à une approche un peu de consommation plutôt que vraiment de s'impliquer de façon collective. C'est ce que je disais tout à l'heure, les gens s'ils se sentaient faire partie d'un mouvement collectif, ça serait quand même différent qu'une approche où on va consommer un peu de Bourrée, un peu de musique de ci, de là, finalement il ne se passe rien.
C'est le regard que tu portes sur ce concept de world-music ?
X. V. : Ouais ! C'est autre chose, la world-music a sa fonction d'être, c'est la musique commerciale, je n'y comprend rien, ça ne me regarde pas, ils font ce qu'ils veulent...
Tu travailles dans le Lot, comment tu es arrivé là ?
X. V. : Là j'ai trouvé un terrain idéal.
Quand on avait travaillé, avec Sicre, dans le Lauragais, c'était
antérieur, on avait à faire à la fin d'une expression,
tandis que là, je me retrouvais d'un coup avec ce dont les gens m'avaient
parlé dans le Lauragais mais qui était vivant à proximité.
C'était il y a quinze ans, mais aujourd'hui c'est fini aussi. J'ai
plus Gilbert Garrigoux, accordéoniste, Raoul Moulet, Armand Querçy,
des figures de la musique, des types ou des femmes qui étaient capables
non seulement de s'exprimer mais en plus d'analyser ce qu'ils faisaient, tu
pouvais avoir avec eux des discussions d'esthétique musicale. Ils te
disaient : " Non là le rythme ça ne va pas, il faut faire comme
ça, la voix c'est comme ça que je chante...". Il y a peu de musiciens
qui parlent vraiment d'esthétique musicale. Lubat par exemple, lui c'est
un musicien, à un moment donné il peut te dire : "Les mecs vous
avez joué comme ça, là vous avez utilisé tel instrument,
tel autre...". Je n'ai pas eu beaucoup de discussions avec lui mais le peu que
j'ai eu je me souvient de ça, il parle d'esthétique musicale,
il analyse la musique que tu produits, ça c'est rare ! Les musiciens
ils sont plus dans des histoires de cachets ou du style est ce qu'on va être
là à l'heure, est ce que le groupe fonctionne... Moi je n'ai jamais
réussi à créer un groupe de ma vie, je n'y arrive pas,
pourtant j'en ai fait des tentatives...
Par contre tu joues avec des groupes. Le travail avec Jean François Prigent, par exemple, qui lui arrive d'un univers électroacoustique, les sons, toute le technique d'aujourd'hui qu'il utilise, mais à la base il a la voix quand même...
XV : Oui, mais c'est un exemple rare aussi. Il y a peu de musiciens qui te donnent comme ça l'occasion de, eux venir avec leur langage musical, respecter le tien et essayer de construire un truc... Je crois qu'il y a plus que la musique, c'est des gens qui prennent aussi le temps de vivre, d'installer la musique, de pas être là pour faire absolument un produit qui doit se vendre, où courir derrière les "créations"... Par exemple la rencontre, le trio Jean François Prigent, Alberte Forestier et moi-même... Alberte Forestier je la connais depuis longtemps, il n'y a pas de problème, je l'accompagne, elle chante, mais la rencontre Prigent- Alberte Forestier c'est quand même étonnant. Quelqu'un qui a travaillé avec le GMEA (groupe de musique électroacoustique), le son, la voix dans des directions toutes à fait diverses et qui rencontre Alberte Forestier qui elle, arrive, balance son chant comme il est, avec sa voix caractéristique, inimitable d'ailleurs...
C'est une grande blueswoman...
X. V. : Voilà ! En plus tous les deux, c'est bien parce qu'ils disent : " Nous on n'est pas musiciens... la musique on y comprend rien, on fait ça mais on est pas musiciens...", ça va bien avec moi... Donc je me souviens de cette rencontre qui s'est faite en fait sur la vie, ça a commencé par une discussion sur les jardins, après on est passé à la musique, on a pris le temps de s'installer, et puis le respect qu'il y a pour chaque expression... Quand on est sur scène on ne voit pas que des gens qui font de la musique, on voit des personnages, des gens qui ont un truc à raconter, c'est ça qui fait la différence... Tu as des grands techniciens de la musiques, quand ils jouent, il n'y a rien. Pourquoi ? On peu se le demander ? Quand les gens sont eux-mêmes c'est ce qui fait la différence.
Tu fais de l'enseignement auprès des écoles
?
X. V. : Oui, on a pris un peu l'opportunité de
ce qu'a crée l'institution, on s'est accaparé un peu ce fonctionnement
qui, quelque part, à certains côtés pervers, il faut le
reconnaître. Il n'y en a pas beaucoup qui le disent mais l'entrée
des musiques traditionnelles dans les écoles de musiques, si tu interroges
les gens tout le monde te dira que c'est évident, que ça a un
intérêt, moi je crois qu'il faut voir cas par cas. Nous on a pris
cette opportunité de dire voilà, on va créer une équipe
de gens qui sont permanents, qui travaillent pour les amateurs et qui en même
temps sont intégrés dans ce truc de la Délégation
Départementale de la Musique, des Ecoles de Musique... Bon il faut dire
que l'enseignement de la musique en France, malgré tous les efforts qui
ont été faits depuis vingt ans est encore malade, il y a encore
cet académisme
qui pèse de façon incroyable, mais en même temps tu te dis
qu'en fait le conservatoire a été crée pour qu'une élite
crée des élites, alors c'est difficile à attaquer comme
système, et en même temps c'est vrai que la musique classique occidentale
demande des élites. Alors introduire des gens qui ont d'autres formes
d'expressions, c'est bien, ça devait pervertir le système, mais
malgré tous les beaux discours, il y a encore un énorme boulot
à faire. Alors comment ? Evidemment, les gens qui ont été
formés dans ce système demandent de nouvelles expériences,
enfin pour les plus intelligents, je ne sais pas si c'est la majorité
d'ailleurs, toujours est-il que nous on a bénéficié de
ce système pour créer une dynamique. Je ne dit pas que c'est l'idéal...
Si on écoute les discours tu vas entendre dire que c'est ce qu'il faut
faire partout... Nous, on était dans un paysage quelque part assez désertique,
enfin c'est désertique à tout les niveaux le Lot, musicalement,
humainement...
Enfin, quand tu dis désertique musicalement...
X. V. : En apparence, parce que nous on a fait le défrichage. Alors ça permet quand même, dans ces structures institutionnelles, quelque part, c'est difficile et rare, de te tenir les coudes avec des musiciens d'autres styles...
Par exemple, j'ai été frappé, depuis quelques années où je vais au festival d'Assier, par l'évolution d'une chanteuse comme Danie Barrière qui s'est essayée au show biz, au stop 50, qui était au départ chanteuse de bal et qui aujourd'hui, grâce certainement au travail que tu as mis en place, se réapproprie un répertoire, sa voix trouve sa place au niveau de la justesse parce qu'elle utilise la langue occitane...
X. V. : Oui, il y a en quelque sorte une certaine originalité dans l'expression traditionnelle, occitane, on permet aux gens de trouver leur place musicalement, c'est sur... Alors soit les anciens qui baignaient là dedans, à un moment donné en les rencontrant on leur a fait reprendre confiance en eux, ils se sont aperçus que leur façon de s'exprimer ce n'était pas n'importe quoi, soit des jeunes à qui on apprend et qui trouvent comme ça une identité...
Il y a des demandes ?
X. V. : Pour donner un exemple, nous on n'est pas dans un cas très privilégié mais on a quatre vingt personnes qui suivent des ateliers, qui apprennent, qui pratiquent sur la culture dite "régionale", mais on a aussi dans notre association, un musicien maghrébin, Mousiana Moulila, qui initie les gens aux musiques orientales, oui, ça brasse, les gens sont intéressés. Peut être ce qu'on ne sait pas assez faire, c'est les trucs médiatiques, se faire connaître, mais c'est peut-être pas important parce que le travail de fond se fait...
Cela dit, je pense que votre arrivée sur le Festival d'Assier a fait du bien à tout le monde, surtout à Assier d'ailleurs !
X. V. : Disons qu'il y a une partie de l'organisation qui est consciente qu'il faut une implantation locale, qu'il faut faire appel aux gens qui font du boulot localement, il y a un débat interne dans le festival, à ce niveau c'est sur qu'ils n'ont pas tous les mêmes intérêts. Il y en a qui pensent plutôt le festival comme quelque chose d'un peu prestigieux, qui va attirer des artistes... Bon on a vu aussi les artistes en plusieurs années d'Assier, quand ils sont vraiment confrontés comme ça, ils ont beau être grands, c'est difficile pour tout le monde. C'est aussi un peu ce que j'ai observé à Uzeste, si tu viens faire l'artiste, ça ne marche pas, je crois que c'est partout pareil...
C'est peut être encore plus visible dans les Festivals-Chantiers, à risques...
X. V. : C'est vrai, tu dois te confronter à de nouvelles situations, des nouveaux publics...
Quel regard portes-tu sur le rap, le ragga, tout ce mouvement, qui en plus est très très fort dans le sud, le long de la Linha Imaginòt avec de groupes comme Massilia, Nux Vomica, la Compagnie Lubat, les Fabulous Trobadors, les Femmouzes T. entre autres...
X. V. : Par certains côtés, évidemment
ça me fascine un peu, ça a vraiment des rapports avec la culture
populaire, le texte... Moi je connais même des formes de chants traditionnels
qui sont en quelques sortes des rap... Les vrais chanteurs de bourrées
par exemple comme Armand
Quercy, c'étaient des gens qui animaient des danses, ils improvisaient
les paroles sur une rythmique définie, il y avait des variations sur
la mélodie... Ce qui c'est perdu, et qu'il faudrait retrouver dans les
musiques d'inspirations traditionnelles, ce revivalisme là, c'est un
côté révolté quand même, qui existait et qu'il
n'y a plus, le mec qui te faisait péter un charivari en fonction des
circonstances, aujourd'hui c'est un peu lisse, un peu propre... Dans le bouquin,
avec Sicre, on l'a bien montré. Souvent ça gêne quand je
met ça en avant, le côté râpeux de la musique, le
côté crade... On me dit : "Mais non ce n'est pas sale, il ne faut
pas employer le mot sale, il faut que tu dises que les timbres sont riches...
(rires)", alors je dis ouais ! D'accord, mais moi je suis convaincu que les
gens faisaient exprès de faire crade, à la limite ça ne
les gênait pas mais des fois ils faisaient exprès.
Quand on écoute les premiers blues américains, si ce n'étaient pas crade non plus...
X. V. : Sur le plan esthétique, il y a les sons parasites, tout ça... ça ne gêne pas... C'est un peu l'inverse, la musique classique aurait cultivé plutôt le son pur, dégraissé de toutes harmoniques, parce que le critère numéro un en classique c'est justesse, justesse, justesse, alors ils en sont amenés à enlever tout ce qui est parasité, dans la facture instrumentale on le voit bien. Bon, quand même dans les musiques populaires, tu peux le constater, c'est évident, tu retrouves encore ce vieux fond humain de l'expression qui fait que c'est riche, c'est gras. Alors ça gêne un peu quand je parle de ça dans le milieu des musiques trad...
J'ai l'impression que ce milieu dont tu parles, il aurait tendance à ce protéger, il y a un protectionnisme qui est gênant...
X. V. Oui, ce qui est gênant c'est que c'est un milieu qui a une expérience incroyable pour beaucoup, justement l'expérience que j'ai décrit tout à l'heure, de contact direct avec ce qu'on peu appeler la "tradition", des gens qui ont pratiqué, c'est une expérience que même les ethnologues n'ont pas. C'est incroyable, mais en même temps il le devient, en voulant se démarquer par le fait qu'il veut être reconnu, parfois c'est sur il a tendance... Par exemple ces trucs de Centre de Musiques Traditionnelles, un Centre par Région, je trouve que ça ne correspond pas du tout à la réalité de ces musiques là. Eux même ils s'en aperçoivent, c'est pervers ! Il y a des espèces d'institutions qui se créent, avec des budgets, des permanents qui sont justifiés uniquement par l'action de gens comme nous qui alimentons ces centres là, qui les justifions auprès des ministères, donc à partir du moment où ça existe, l'état s'en lave les mains. Pour le moment apparemment les Régions ne se sont pas trop impliquées là dedans...
On dirait que ça commence à vouloir venir... Cela dit, les Régions n'ont pas de prérogatives en matière culturelle, elles veulent bien le faire et d'ailleurs là il y a à creuser. Peut être au niveau de cette fameuse décentralisation culturelle, qui est nécessaire, il faudrait que les Régions aient un pouvoir, financier, plus important pour se mettre à l'écoute et au service de gens comme toi, et d'autres qui travaillent...
X. V. : Oui, mais que les Régions tiennent compte de la diversité d'approche, de la diversité des expériences, les problèmes sont différents selon les "terroirs", les départements, les micro-régions... Cela dit, pour en revenir aux Centres de Musiques Traditionnelles en Régions, je trouve que c'est quand même pas l'idéal, surtout qu'en plus ils n'ont pas les moyens de vraiment répondre au cahier des charges qui leur a été fixé...
Revenons au travail que tu as fait dans le Lot, Daniel Loddo lui a fait un travail sur le Tarn et le Sidobre, et sur la Haute Garonne, bien qu'on ait le Conservatoire Occitan, je n'ai pas l'impression qu'il y est une action similaire ?
X. V. : En définitive ce qui manque dans beaucoup de coins c'est le travail de fond, je crois que c'est la bonne démarche : collecte, réappropriation du répertoire, ensuite vraiment imprégnation des choses, rencontres avec d'autres gens qui viennent d'autres milieux, voilà l'expérience inestimable. Alors, il y a plus ou moins de réussite là dedans, il y a des gens qui ont plus ou moins travaillé dans un mouvement collectif, d'autres ont joué plus leur carte, donc ils ont été amenés à créer des institutions et se couper un peu de la base. Même si les gens autour d'eux étaient moins expérimentés, ils n'en ont pas tenu compte, eux ils sont allés de l'avant mais ils n'ont pas tiré... Moi c'est ce que je reproche à Loddo. Evidemment lui il a crée sa tour d'ivoire de Cordae /La Talvera, il a beau organiser les colloques qu'il veux, des musiciens qui ont joué avec lui pendant des années ne veulent plus jouer avec lui, et ce sont ses voisins... Pourtant il faut dire qu'en ce qui concerne Loddo, s'il y a un mec qui connaît la tradition dans cette région c'est lui, il a une expérience inestimable, il a rencontré des tas et des tas de gens, il a fait un boulot énorme, mais à côté de ça je crois qu'il s'est enfermé dans son Cordae...
Quels sont tes projets à venir ?
X. V. : Continuer le travail qu'on fait avec Jean François
Prigent autour de Festival "Avis
de Passage", c'est quand même un outil pour nous, inestimable, je
crois que je l'ai fait rentrer en contact avec tout ce matériau, maintenant
ça y est, il est soudé. Alors cette année, autour de ce
festival il va y avoir des siffleurs, des gens qui ont participé au disque
qu'on avait fait avec Daniel Loddo d'ailleurs, il y a un projet autour du bal
avec Lubat, les
filles de Vocal Elastic Instantané, Alberte Forestier, Renat Jurié...
Tu sens que ça bouillonne, je suis énormément content,
on a localement un outil pour sortir ce qu'on fait du carcan, se confronter
aux autres, les gens viennent chez nous maintenant... (rires). L'autoroute n'arrive
qu'à Cahors pour le moment, mais les types sont pompés par Figeac...
C'est quand même deux mondes ! Jusqu'à maintenant tu prenais l'autoroute
à Montauban, tu tombais presque dans une autre civilisation... Bon il
ne faut pas dire que les ruraux sont des cons, qu'ils sont déconnectés
de tout, attention, c'est eux qui connaissent tout de la ville, les citadins
ne connaissent rien de la campagne, mais les ruraux connaissent tout de la ville...
Là c'est super ce qu'a pu créer Jean François sur Figeac,
tout à l'heure on parlait d'Assier, il faudrait que ce soit la même
chose...
Prigent il vient d'Assier ! Alors justement, à Assier, est-ce que tu vas pouvoir continuer à participer...
X. V. : Je ne sais pas quels sont leurs projets, je pense qu'ils ont un débat interne. Pour reparler de la "création" qu'il y a eu avec Jean Marc Padovani, "Le Sud attaque" c'était une expérience un peu hasardeuse qui n'a pas donné beaucoup de résultats. Pourquoi ? Parce que c'était un travail de surface, il faut créer un événement musical à un moment donné entre des musiciens traditionnels et des musiciens de jazz; alors on tombe dans les clichés que j'ai connu déjà il y a quinze ans, les musiciens traditionnels donnent des thèmes, les musiciens de jazz arrangent des grilles sur les thèmes et en profitent pour improviser, donc ça va pas loin. J'ai accepté parce que Padovani il veut être de là... (rires), mais pour le moment il n'a pas tellement réussi encore, il faut qu'il aille plus loin. Bon, moi je n'ai pas tellement besoin des expériences à Padovani pour faire des trucs... Voilà, on a toujours le souci de redinamiser l'action associative avec l'AMTP Quercy, il y a des projets de spectacles comme "Femnas", chants de femmes en Quercy, comment faire passer la langue pour un public qui ne comprend pas. Cinq pour cent de gens comprennent la langue, un pour cent de gens arrivent à la comprendre quand c'est chanté, donc il faut que toutes les chansons traditionnelles, où il y a une grande symbolique derrière, faut vraiment rentrer dans les textes, faire sortir le sens profond... Donc de la mise en scène. On travaille avec Jean Marie Arnal, qui est un cadurcien, on a fait un spectacle, une commande, alors ce n'était pas tout à fait satisfaisant, c'était quand même une remise en scène d'un passé... Là on prépare un nouveau spectacle sur l'eau, une expression plus contemporaine, avec la même équipe, quinze chanteurs, des instrumentistes de différents milieux, jazz ect... mais vraiment des types du coin, qu'on a à proximité. C'est difficile de travailler avec des gens qui viennent de loin. Bon après, l'AFMDT a crée un label, "Modal", c'est Ricros qui s'en occupe. Il est venu, il cherche des projets, alors à partir de ce spectacle qu'on a fait cet été à Assier, il voudrait bien qu'il y est un enregistrement, une trace, bon à voir... En même temps c'est la possibilité de s'associer avec des musiciens qui viennent d'ailleurs comme Alain Gibert, Frédéric Pouget, Stéphane Pelletier, moi je suis tout à fait ouvert, je te le dis, maintenant les gens viennent chez nous...
Propos recueillis par Jacme Gaudàs
Publications sonores :
Hermine Calastrenc : cançons del Lauragais (mémoires sonores G.E.M.P. 03)
Chants, musiques et paysages sonores du Lot.
Quercy : Ségala, Causses et Vallées. (mémoires sonoes G.E.M.P. 07
Cassette analogique.
Aval-Aval. Musiques d'Olt, chants et instruments du Quercy.
Charmeurs d'oiseaux et siffleurs de danses.
Albiges, Lauragais, Roergue e Carcin (collection Mémoires sonores, GEMA / La Talvera)
Epîtres, préfaces et autres parodies du sacré.
Tarn et Garonne, Aveyron, Lot (collection Mémoires sonores, GEMA / La Talvera)
Femnas Chansons de femmes en Quercy (A.M.T.P. Quercy)
Publications écrites.
Claude Sicre / Xavier Vidal.
La musique de tradition orales face au folk, au rock, au free-jazz, à la musique savante.(IEO Musica /Privat)
Claude Sicre /Xavier Vidal.
Présent et avenir de la musique de tradition populaire dans les pays d'Oc (IEO)
La mémoire musicale du Quercy (A.M.T.P. /ADDA 46)
Collectes de chansons populaires en Quercy depuis cent ans (Quercy-Recherche)
Daniel Loddo / Xavier Vidal.
Charmeurs d'oiseaux et siffleurs de danses (G.E.M.P. /La Talvera)
Une palette de sons. Typologie et usage des instruments végétaux, homenade en Midi-Pyrénées (F.A.M.D.T.)
Desblancs /Ribouillault / Vidal / Vrod.
Bricoleurs, contre-copieurs et créateurs (F.A.M.D.T.)
Cloches, sonneurs et sonneries en Quercy. (Quercy-Recherche)