8ème Festival d'altitude (65)

 

Jazz à Luz

 

Au coeur des Pyrénées, le festival de Luz Saint Sauveur monte en puissance et d'année en année se positionne dans le peloton de tête du circuit de l'AFIJMA. Jean Pierre Layrac et son équipe viennent de frapper un grand coup, quatre jours pleins d'audaces, de surprises, de risques, d'aventures musicales plurielles. Flash back sur mes deux jours de présence.

 

Samedi 11 Juillet

Soleil et ciel bleu. Sur la Place de l'Eglise, sous une grande tente, les ateliers percussions de Roland et Pédros et l'espace multimédia font recette auprès des enfants, Gérard Marty, plasticien interventionniste, prépare ses raids. Le monde martyen à toujours des long bras et des déclarations pertinentes. Dans l'Amphithéâtre autour de la Maison de la Vallée, Denis Tricot, autre plasticien flibustier dépose et place ses arcs de châtaignier, Fabrice Charles affûte son trombone, Vania Dombrovzsky s'accorde amb son violoncelle. A l'intérieur les filles de l'accueil m' offrent leurs sourires, comme les années précédentes l'Hôtel des Cimes sera mon quartier de nuit, chez Marie on est comme à la maison.

Dans la salle, Stéphan Oliva en termine avec son piano solo et à voir les visages à la sortie, j'en déduit qu'il a touché juste. Dehors, Dombrovzsky-Charles-Tricot passent à l'action. Gestes sonores et formes évolutives sculptent la musique et la matière, improvisation perpétuelle, création, chorégraphie du triangle, instant magique.

Je pose mon sac aux Cimes, chambre 11, sous les combles avec vue sur la place, et me met en marche vers le Château Ste Marie où à dix huit heures Rémy Charmasson et André Jaume nous attendent pour une conversation acoustique. La montée est toujours aussi raide mais l'effort vaut le coup. Superbe site que ce Castel. Avec Le Professor P.H.A., Philippe Méziat, Jean Paul Ricard, le staff Mag Jazz est en force. Bernard Morel d'Apt, Pascal Champlon et Miss Agnès de Tolosa, Yann et Dominique de Perpignan, Marc Marin de l'Apollo de Mazamet, Albi Gonzalez, Aurore de Figeac sont dans la place forte. L'incontournable Kitz arrive à son tour, Guy Lafitte est décédé ce matin, Pierre Gély-Fort s'est barré de la Compagnie Lubat après une algarade avec Minvielle et doute de lui, Layrac me voit et me salut de la main, musique!

La complicité entre Charmasson et Jaume n' est plus à démontrer. Rémy entreprend sa guitare folk, installe le blues, propose, ouvre. André délivre ses sax sons, ses phrases, conteur, souffleur, lueur, ténor, soprano retourné, flûtes, en chantent. Musique colorés à l'impro, quelques écrits balisent la balade, partage, paratge, échange. "Caribou", splendide mélodie tourne dans nos tête, nous porte tout le long de la descente faite avec Eric Palhés et ses collègues du CUF. Et oc, lo Complot Ultra Frêle es aqui!

Au Parc des Sports, les "Tortilla Flat" ont installé l'étable photographique de leurs vaches, au Verger la buvette est sous pression et des odeurs d'aiguillettes grillées mettent le vin à la bouche. Les guirlandes allument leurs loupiotes, "Dans trois minutes le concert d' Uri Caine sous le Chapiteau...". Beaucoup de monde pour ce concert considéré comme un événement et où la présence de Jim Black, aux drums, ajoute à l'effet d'annonce. Donc Uri Caine Ensemble attaque son "Gustav Malher Project". Sur scène le must des musiciens répand des énergies mais l'ensemble ne prouve pas grand chose. Comme c'était à redouter, Jim Black prend le concert à son compte et le mène à sa main. Alors que reste-t-il de Gustav? Un massacre, très peu d'orchestration, quelques tentatives de déstructuration mais si peu et tout le reste dans les starting block. Esseulé sur le côté, Dj Olive fait de la figuration, quelques scratch tentent bien de se faire remarquer par ci par là mais hélas c'est pas suffisent. Par contre le violoniste joue les narcisse. Dommage à Malher! Pourtant l'idée aurait pu être jouable. J'imagine le Dj devant avec sur les platines les vinyl de Gustav, et tout les autres derrière prêt à suivre et à surfer sur les dérapages. En fait l'inverse de ce qui s'est passé. Et bien non, pas de ouailles sur Malher, j'ai trouver ca "vieux, sans aucun risque, "des contres pieds..." comme dit Morel. Bon, je craque à moitié concert et monte aux verger. Le Professor P.H.A. et Albi Gonzalez sont à la buvette, bien sur ils essayent de trouver des raisons honorables vis à vis de ce qui se joue mais ça ne prend pas. Pascal et Miss Agnès ont craquer à leur tour, je vois passer Christian Rollet, Jean Bolcato, Guy Villerd qui aussi... Méziat n'est pas d'accord, suivra une brave discussion autour des demis.

Le Verger s'est remplit et sur scène Bnet Houariyat lance ses chants de femmes berbères. Où et quand cette musique folklorique porte en elle plus de modernité que la cacophonie uricainienne de tout à l'heure. Les discussions s'animent à la buvette. Layrac, Yann de Perpignan, Morel d'Apt, à force, se raillent à notre analyse sur ce pauvre Gustav, les jeunes du CUF ajoutent à leur tour, bon les pronostics pour la finale de demain vont bon train, la soirée s'achève à la Maison de la Vallée avec le bop d'Affinity Quartet.

 

Dimanche 12 Juillet

Petit dej et sourire de la patronne des Cimes. Elle s'ose en langue d'oc," vous ai vist à la television l'autre jorn..." Toujours alerte et en forme, elle a la tchache facile et c'est bien. Chocolat, croissants, les techniciens de Cristal Audio sont attablés, Alex et un nouveau look, Olivier et ses assurances, à la radio il n'est question que du match de ce soir et du dopage de chez Festina.

A la Maison de la Vallée, le groupe Anches Mains anime un petit déjeuner musical, juste avant le solo de Christine Wodrascka. Maestro du free et de l'audace, la pianiste nous entraîne sur ses désirs à partager. Dans la lignée de Cécil, du grand Albert, d'Irène, Christine développe sa musique où énergie et sensibilité font corps. Deux mains

se dédoublent, quatramartellent en blanches et noires les cordes et les codes à retransmettre, soli s'allient à la sourdine et continuent de dérouler les fils d'harmonies. Wodrascka est de la trempe des géants, amazone du piano, elle maîtrise son sujet sans concession. Douce et violence, vacarme et silence, monts et vallons, pic et lac, voltige et planeur, émotion et tension, attention force souffle, elle nous ferre tous à la musique de sa circonstance, frissons assurés, nous en redemandons, elle sourit, s'y remet, jette ses dernières forces, au physique le finish, ovation. En cette journée de finale, Wodrascka est championne du monde. Bonnes augures!

Sous le soleil la montagne impose ses splendeurs et jazz'Pyr nous entraîne sur les traces d'Eugènie. Pique-nique sous les érables de la chapelle Solférino, conférence musicale savante et populaire, burlesque et émouvante avec Monsieur Emile et Albert, alias Sylvain Roux et Jérôme Martin, fifraire et tambourinaire, ripataulèraires façonnés à la rigueur musicale d'Uzeste, doublés d'un sens très vertadier à la comédie et extraordinaire animacteur de la randonnée musicale qui s'en suit. "Parcours santé" sur la piste des curistes ponctué d'interventions ARFIENNES et TORTILLA FLATIENNES. Comme en pèlerinage, nous empruntons les sentiers pas encore battus et s'enfonçons à flan de montagne à la rencontre. Dimitri Naiditch, esprit des sous bois, charmeur de mélodica, balise la première station. Plus lois quinze Doly clonées sur papier glacé, nous regardent passer sous son regard d'ovin; à côté du Pont Napoléon, la société reprend ses droits, et sur le court de tennis, Maurice Merle et Alain Rellay sont aussi en finale. Alto et ténor se renvoient les notes saxophonées sous la surveillance précise de Xavier Garcia, arbitre sampler et impérial. La marche thermique reprend son chemin curiste jusqu'au bord du Gave de Pau. Bivouac improvisé. Dans leurs cadres cloutés les poules d'eau des Tortilla caquettent, Patrick Charbonnier et Jean Bolcato pistent l'amusique, l'indien Boiton dans son canoé rythme sa descente aquatique, instant ludique, tentation du plouf... "Allô allô, tous au village..." Son porte-voix, fifre devant, Albert et Monsieur Emile annoncent le départ. Et ça monte, on a perdu au moins cent grammes en chemin quand on se pose dans la clairière des Toys. Là, Batteur Rollet, Soprano Villerd et Trompette Mereu lancent leur freeson salvatge et pacificateur scellant la paix des braves. La balade arrive à son terme au prés Hontalade où Vanille, Gisèle, Dauphine, Mathilde et ses consoeurs bovines et ruminantes des Tortilla entourent le Trio Apollo de Jean Paul Autin, Jean Luc Cappozzo et Alain Gibert. Cuir et cuivres sous les érables, valsettes et vachettes, folklore imaginable, savant et populaire, le bonheur est dans le prés que voulez vous de plus...

Bon, l'heure de la finale approche. A la Maison de la Vallée, juste avant l'apéro-foot, la new génération jazzifiante de Kassalit, emmenée par l'étonnant Philippe Lemoine nous démontre, si besoin est, que la relève est en bonne forme physique et instrumentale. Fidèle à son habitude, Jazz à Luz prend le parti de la découverte et du risque, Kassalit est une bouffée d'oxyjeune et une pépinière de talents où chacun des musiciens se lâche, s'attache et nous capte, cap sur l'ouverture et la liberté d'entreprendre. Quand je pense que certain grincheux en sont encore à vouloir soit disant "sauver le jazz...".

Au Verger la tension monte. Quatre télés sont en place pour suivre l'événement et la queue fait la queue à la cambuse. La montagne en toile de fond, le Stade de France nous fascine. Les souffleurs de l'ARFI sont au premier rang, juste derrière les plumes de Mag Jazz sont à l'affûtage, Albi Gonzales à mis sa tenue de footix, premier arrêt de Barthes, "hourra et vive Lavelanet! Le moral est au beau fixe, les deux coups de Zidanne mettent la pression dans les verres, et quand Petit ajoute le coup de l'étrier, l'explosion est à son comble, K O lo Brasil, les bleus champion du Monde, Addidas nique Nike, tous au Chapiteau avec La Marmite Infernale au final. Concert de circonstance, chacun sa coupe en main, les Arfiens entament leur triomphal concept, le match durera près de deux heures. Un régal de une deux, de petits et grands ponts, de reprises de volée, d'ouvertures lumineuses, démontrant au passage une grande maîtrise du jeu collectif. Oc, La Marmite est campion del monda des big band. La nuit sera longue et showde au Club de la Vallée où ça jazze fort jusqu'au petit matin.

Jacme Gaudàs

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