A Luz d'Eden
Situé entre le cirque de Gavarnie, haut lieu de visite, Lourdes, haut lieu de pèlerinage, Marciac, haut lieu de procession du show-Biz Jazz, Luz Saint-Sauveur es lo lòc de passatge obligat per veire passar le Tour de France et y trouver, depuis maintenant neuf ans, un Festival de jazz qui ne ressemble qu'à lui-même : innovant, attirant, sachant recevoir et présentant cada anada, des musiciens oeuvriers de leur art, des routiers de l'impro, des chercheurs, des trouveurs de rencontres et d'aventures. Suivez le guide...
Samedi 10 de Julhet (haut de page)
Des problèmes de Volvo ont fait que j'ai loupé la journée d'hier où Pifarelly/Couturier, Denis Colin et les Arpenteurs et les Oranges Bleues ont, d'après les collègues de la presse espécialisée en Jazz, fait une très bonne entrée en manières. Croyons les sur paroles... 14h30. Je gare la caisse place de l'église, vais à la Maison de la Vallée. Sourire accueillant, "on t'attendait hier... comme tous les ans on t'a mis aux "Cimes...". Ok, je m'exécute. La patronne est toute heureuse de me retrouver, "je vous ai donné à la 2. Elle vient d'être refaite, vous serez bien, c'est spacieux, vous serez à l'aise pour travailler... Vous voulez un verre de sangria ?". Oc, je souscris. Elle m'indique le chemin de l'église de Sère, belle romane qui reçoit cet après-midi Savina Yannatou chanteuse hellénique venue, du Moyen-Age à pied, pour se confronter à l'improvisation de Floros Floridis, un des chefs de file de la scène jazz grecque. L'église est pleine de fraîcheur et copieusement garnie vue l'heure de la sieste. Etonnant voyage. Nous les suivons sans contrainte à la découverte de rivaginaires locaux et internationaux. Figure de proue, Savina éole ses cordes vocales, modulables, modulées, maîtrisées, gutturées, scatées, étirées, de l'Américke au Tibet, en passant par les steppes de Mongolie et le reste de la forêt des Pygmées, les pratiques de traditions populaires éclairent et nous informent sur ces chants. A cada còp, Floros double à l'instrument, clarinette basse, Si bémol, sax soprano, alto, "sirènent" les reliefs, jouent avec les extrêmes, traversent les obstacles, ouvrent les passages, le temps ne s'écoule plus pareil, la surprise est à la hauteur du lieu. L'improvisation fait de plus en plus d'adeptes, qui s'en plaindra ? Pour nous réveiller à la réalité de notre temps, Savina puise, de son folklore, une berceuse que lui chantait sa grand-mère, le bonheur est encore de mise, nous l'avons rencontré à Sère. Bon ce n'est pas tout, nos cal tornar à Luz pour la suite de cette journée. Avec Er Professor Ardonceau, Guy Le Querrec, et Christiane Bories nous allons boire un café à La Tasca où La Friture Moderne, fanfare toulousaine rompue aux interventions tous terrains, fait l'entre deux en attendant l'heure de la rencontre entre Iva Bitova et Didier Petit. J'en profite pour tracter le programme du Festival et Rencontres de Germ Louron (65), Bernard Morel fait de même pour "Sons divers d'été" de Puylaurens (81), je salue Jean Paul Ricard, très dynamique tôlier de l'AJMI d'Avignon, présent à Luz pour animer les petits déjeuners musicaux. 18h. La queue fait sa queue à l'entrée de la salle de la Maison de la Vallée, très belle nef, laîque, de pierre et de bois, haut lieu musical. Sur scène deux tabourets, deux bouteilles d'eau et c'est tout. Ici cela se joue acoustique. Iva Bitova, voix, violon, appeaux et Didier Petit, violoncelle, c'est une rencontre insoliste, la deuxième de la journée. Rencontre certes, mais aussi beaucoup plus que ça. Il est question de s'échanger, de se chercher, de se trouver, de s'essayer, de se romegar, de se réconcilier, se sourire, se parler, se chuchoter, s'aimer, se chanter, se crier par la musique. Contry, scat, kzou et rythme from blues, folklore imaginé parce que venant du réel, avec toujours en ligne de mire le côté ludique, la dérision de l'acte du je mais précis à cada còp. Superbes échanges, un peu courts, mais bon... Alors que Kourcane anime l'apéro-swing au Café de l'Europe, je rejoins le Verger magique où buvettes et restaurants attendent leurs heures. La bande à Albi Gonzales est là en force, la solidarité tarnaise n'est plus à démontrer. Junior tape dans un ballon de foot et se fait réprimander par François le barman... dire que l'an dernier on y regardait la finale de la Coupe du monde ! Demandez à Pino s'il n'aime pas le ballon. Et oui il est là, avec ses collègues du Sud Ensemble, machine solaire activée par des musiciens de Raguzza, Roma, Nomaria, Riva de Puglia, Torino, Génova... toutes les Italies sont là, comme dans la Scuderia. Le Sud Ensemble avec sa chaleur, ses langues, ses sons nonchalants où les folklores donnent le sens, la danse en fond de sel et les chorus en guise de piment. Mélodies à fond la caisse, on s'est d'où elles viennent. Sax alto, baryton, trombone et trompette, le blues est bien là, puissant, identitaire !!! Géant, Carlo Actis Dato et son ténor perfide free-cassent et relancent la tchache de Minafra. Lyrique opéra swing rural, du savant au populaire et en avant l'Amusique. Bella ciao au porte-voix, c'est beau un chapiteau qui chante. Un triomphe pour eux. Bon, le Verger est en délice et sur la scène le Quartet de Riccardo Tesi ouvre avec la Toscane et son rituel de danse. Devant les insipides diapos de Kitz, le bonheur transalpins continue. "Anita ", écrite par Carlotti, una cançon sus Garibaldi... E la serada se contunha, référence à la Sicile, farandoles de folklores, viennent les tarentelles et c'est la folie. Les jeunes dansent devant et sur scène, la soirée est douce, les gens sont heureux, le bar mousse, la cuisine sert ses plateaux. Quelques musiciens du CUF sont dans la place, Er Professor me prend la tête avec "Jazz sur son 31", Pino, Carlo et Occhipinti me donnent leurs CD. A la Maison de la Vallée, transformé en club pour la circonstance, les Toulousains de Hi Bopska font monter la pression. Les jeunes rappers de Tarbes ne se font pas prier pour venir toaster, Yannick Dahms met sa note bleue et puissante, c'est show, les belles sont filles et attirantes, le bar est au taquet, belle journée.
Dimanche 11 de Julhet (haut de page)
10h30. Il y a du vol du côté des Arts-Plastiques. Une des structures sonores de Jean-Robert Sédano et Solveig De Ory, artistes multimédia, "Les Tubulophones", installées dans la rue, a disparu. Bon, le vol a été fait proprement, pas d'agression, sans doute un connaisseur... A la terrasse du Café du Centre, les festivaliers arrivent pour suivre les "Petits déjeuners Ricard". Là, Jean Paul Ricard fait &brkbar;uvre de pédagogie musicale sur le thème "Free Jazz, Musiques Improvisées... si on en causait ?", Ce matin il a invité Régis Huby à la conversation. Albi Gonzales est plongé dans Rousseau, lecture salutaire du matin. Sont là Marc Marin de l'Apollo de Mazamet, Guy Le Querrec... Avec le son des cloches en fond sonore, Ricard attaque son exposé sur les malentendus du free jazz... mouvement lié aux afro-américains. Après Cécil Taylor, Sun Râ, les matins précédents, il nous laisse entendre l'apport frenchy à cette aventure avec François Tusque, Michel Portal et les autres flibustiers présents dans le fameux disque "Free Jazz", enregistré dans les années 60 à Paris. Pas une ride ! Bon, nous ne sommes pas trop nombreux mais ce n'est pas grave, les annonces du Marché viennent parasiter un peu le débat, en fait c'est très bien ainsi, mieux, que ne se sont-ils pas branchés ensemble... Entre, "Aujourd'hui les melons et les pêches sont en promotions...", toute la ville aurait pu entendre Willem Breuker année 76, André Jaume, Raymond Boni, Jo Mc Phee, Jean Charles Capon... Se rendre compte, avec nous, qu'entre les termes Folklores et Tradition, la confusion est encore bien nette chez les jeunes musiciens... Alors bien sur l'ARFI monte au créneau, apporte sa solution avec sa Recherche sur les Folklores Imaginaires, où comment ils ont posé et révélé, en la renversant, la grande ignorance des connaissances des folklores en France.... La discussion fût dense. 18h. Après un pique-nique en montagne et une sieste au cirque de Tremouze en compagnie des tarnais, nous revoici à la Maison de la Vallée pour la rencontre entre le violoniste Régis Huby et le percussionniste François Merville. Comme chaque fois, la salle est remplie. D'entrée Huby scate et rythme au violon, Merville ne fait que répondre en apportant un accompagnement mélodique. Nous voici immergés dans un courant venu du folk, embruns celtiques sur les cordes de Régis... Puis le blues faisant son &brkbar;uvre, l'appel du rock soulève l'intensité de la rythmique, le violon donne dans les basses... Décalage entre l'un et l'autre, que faire ? Regarder et essayer de suivre, jeter les baguettes et les sons s'égrainent imperturbablement par l'entremise des verres en plastoc, des canettes, la cadièra, le Leica de Le Querrec... Bon !!! Tout cela est plein d'humour, Huby y va de sa ritournelle, les spectateurs sont embarqués, en redemandent. Sur le rappel on retrouve le folklore breton en filigrane, retour au port. En rejoignant le Verger, on salue "Le bon quart d'heure" qui joue sa zique à l'apéro à La Tasca. Au menu ce soir, Salade, coquillettes et daube au safran... Martine Palme vient d'arriver, le père Ricard est à l'apéro, Albi Gonzales et Junior se le sont fait aux crêpes, il y a du monde, encore una serada bien garnie. "La Friture Moderne exécute "Eliane tu es mondiale" une spéciale dédicace... The best fanfare au swing décapant et furtif et humoristique et talentueuse... Coté "Aliment" (le vin) ce n'est pas le pied pour le vrac en plateau. Heureusement que l'équipe de SI and SI, de Lautrec, assurent le palais buccal amb un "Château de Crouseilles" 91, un Madiran respectable. Café, aigorden et nous voilà fin prêt pour s'embarquer avec John Surman et son équipage. Corne de brume ECM en soprano, la météo est de 3 beauforts. Surman l'enjazzeur à la barre, son cotre étrave la houle. Viatge en first class amb los mai grands musicians del Royaume Uni... Là aussi le folklore fait son travail de bleus. Mucica tissée, brodée, léchée, sursautée dans les travers de déferlantes, John Marshall assure l'assise rythmique, Chris Laurence, lyrique à la basse fait le point, John Taylor is rich de couleurs pianojazzistiques, ça baigne comme prévu. Un trio de rêve avec la merise sur le pont. La croisière s'amuse à gagner et joue facile. Puis le ciel s'obscurcit, lo vent bufa en baryton, des perturbations telluriques montent de la harpe de Taylor, des creux et des crêtes, des embruns free-salés nous éclaboussent, alerte, tempête sur l'océan de leur pupitre. Insubmersible, the Surman boat contunha son camin, écoute flottante, mélodie à ouïr... Intro clarinette basse et contrebasse à l'archet. L'heure est Graal et le ciel de Luz se charge de nuages. L'ouverture est faite, on dresse le spi et la vitesse de croisière reprend le dessus... Que voulez vous de plus ? 22h30.Au bar du Verger la tchache bat son plein, il est même question de saborder l'ONJ ?? ! Sur la petite scène, à la demande générale, Iva Bitova refait un passage en solo, faut dire qu'entre elle et Luz, l'histoire est forte, déjà il y a deux ans... Violon et vocalises nous charment, entre les personnages-volumes finement peints, gravés et sculptée, en découpes et plans superposés de Bessompierre, elle est grande. A sa suite, la Compagnie des Musiques à Ouîr,. Christophe Monniot, Cyril Serge, Denis Charolles, troublions de la jeune scène jazz française, ont mis le oai. Avec leur bazar, bric à brac sonore, feux d'artifices, informatique, ils dépoussièrent et malaxent un répertoire où chansons populaires et créations se retrouvent chorus dessus chorus dessous sur la même trajectoire de la musique à danser si vous voulez. Lubat et Ausier on fait des émules, c'est bon pour la santé de la musique en France. Au final, François Merville s'y ajoute, difficile de les arrêter... Pour finir la nuit, à la Maison de la Vallée, Hi Bopska, renforcé par les musiciens de la Friture Moderne, mettent le feu au Club. J'ai même vu Monsieur le Maire en transe, comme Le Querrec qui, bouquet de mariage à la main, mise Virenque vainqueur d'étape dans la montagne. Bon, après avoir longuement parlé en Oc amb un festivalier Grec de Barcelone et déplacé la Volvo, because demain c'est le marché, direction Les Cimes. Dans ma tête, Savina Yannatou tient toujours la corde. Bona nèit !
Lundi 12 de Julhet (haut de page)
10h30.Le soleil est toujours là et à l'amphi extérieur de la Maison de la Vallée, les adeptes du circuit J. Paul Ricard aussi. Charles Gayle lâche sa note free, à l'étage, les mômes de l'atelier percu se déchaînent. Ce matin, troisième volet de ces 30 ans de musique revendicative, Daunik Lazro est l'invité du jour. "...il y a une coupure jazz/pas jazz... un mouvement tournant... Peter Brôtzmann, Evan Parker refusent le terme jazz et parlent d'improvisation libre... d'autres semble vouloir revenir à l'appellation jazz... il reste cette pulsion... qui peut-être pourrait s'apparenter... je n'ai pas de réponse...". Nous écoutons William Parker, "Inonder to survive" (95). La querelle est toujours vivace, ouf, le free jazz n'est pas mort en 70 avec le cadavre d'Albert Ayler... "Aujourd'hui, au-delà du revivol, tous les musiciens jouent de l'impro, reconstruisant une musique déjà datée... c'est troublant... depuis 5, 10 ans la résurgence est là... peut-être que dans 10 ans on enseignera Donéda dans les conservatoires, il a fait plus pour le sax, comme travail, que David Murray...". S'en suit l'écoute de Dave Douglas, Sclavis, Claude Tchamitchian et son Grand Loudzak, figure emblématique de jeune porteur de collectif en France... Bon, après l'apéro, on se retrouve au Verger pour déjeuner, les méchouis du soir tournent sur les rôtissoires, j'en profite pour faire une ITV de Le Querrec (à venir bientôt). 15h30. C'est complet, ils ont même refusé du monde, à la salle de la Maison de la Vallée pour la dernière rencontre autour du violon, en l'occurrence celui de Carlos Zingaro. Pour lui donner la réplique Daunik Lazro. Du grand art, on franchit les cimes de l'impro, que ce soit à l'alto ou au baryton, Daunik est toujours jusque boutiste de son histoire. Leur complicité est chose de mise, on les suit comme on peut ou comme on veut mais ils avancent. Zingaro travaille et ajoute des effets maîtrisés. A l'archet ou pincé ou frappé, son violon dispense des sonorités décapantes, légères, pertinentes, une très grande rencontre. 18h. Encore complet pour entendre le trio Gilles Bardet (guitares), Thomas Kpadé (violoncelle) et Pascal Maffeî (saxophones). Alors que l'orage éclate sur Luz, nous les accompagnons dans leur prestation où compositions, improvisations nous guident sur des chemins référencés au bleus, au boogie d'Arthur Smith, clin d'oeil au rap en passant par la case classique. Une bonne découverte, peut-être encore tendre mais un trio à suivre. La pluie est toujours là, la météo ne s'est pas trompé, ce qui n'empêche pas de se régaler et de se lécher les doigts après avoir mangé l'excellent mouton des Pyrénées. 21h. Les orages n'y peuvent rien. Le chapiteau est comble pour recevoir la musique du trio de Marc Ducret et de son invité Tim Berne. "Dialecte" en ouverture, Eric Echampard ouvre le dialogue, hard leur musique, pas de temps mort, direct sur le secteur, rock lo Ducret, totjorn en avant... Au lyrisme de Tim Berne, Ducret sait jouer et répondre, conversation ponctuée de la grâce d'un Bruno Chevillon en état de basse... Et les phrases se lisent, discourt flamboyant, face à face, gladiateur au c&brkbar;ur tendre, nous longeons la grève de la Mer du Nord, belle que celle-là, moi qui suis méditerranéen... Vue de la sorte, j'ai un faible pour cette nordique, les sirènes s'y trouvent aussi. Puis vient une composition écrite sur commande pour le prochain disque de "Quartet", avec un clin d'&brkbar;il à David Lynx... Guitare sonneuse de sons et de sons de cloche, réplique rythmique de la basse et un, deux, trois, ça repart chez rock n'funk fusion, bien roots... Grand Echampard aux drums et chorus de Berne, à chacun ses "résurgences", comme l'a dit Lazro aux apéros Ricard. L'ensemble fonctionne, Luz drive du people à tous ses concerts, avis aux amateurs. Un mot sur ces Tarnais de l'association "Jazz' Pyr". Ce festival est vital pour Tolosa et sa Garona de jazz. Un climat s'installe, avec la pluie au final pour rappeler aux invités que c'est la Montagne et qu'il faut du souffle. L'altitude va bien aux musiciens. A l'an que ven per lo 10ème anniversaire d'un festival qui à trouver son identité.
Jacme Gaudàs |